samedi 14 mai 2011

LE PRINCE MIIAOU


À 26 ans, le Prince Miiaou, alias Maud-Elisa Mandeau, brindille punk, sort un troisième album, 'Fill The Blank With Your Own Emptiness', une œuvre orchestrale et post-rock dans laquelle elle délivre toute sa force, sa luminosité et ses failles.

Elle fait la Une des magazines, ce brin de fille de 26 ans un peu punk, un peu sauvage. Sous son étrange pseudo et ses cheveux peroxydés, Maud-Elisa Mandeau cache mal ses pudeurs, sa timidité animale. Comme la liste de ces journalistes avides de percer les mystères, ne lui demandez pas d'où vient Le Prince Miiaou, son nom de scène. Elle l'a pioché dans un livre de contes, au hasard, le doigt sur la page, point barre. Et tant pis si ça sonne un peu « Bisounours 69 », style avatar Skyblog : elle s'en moque. Assume. Ne cherche pas à plaire. D'ailleurs, va savoir pourquoi son troisième album séduit tant la critique : « C'est curieux ! Lorsque je le composais, je ne savais pas si j'étais en train de pondre un truc correct, ou une sombre merde ! », avoue-t-elle, rouge de son gros mot. Car Maud-Elisa dit avoir galéré pour 'Fill The Blank With Your Own Emptiness'. Panne d'inspiration. Coups de pression. Angoisse du disque blanc. Peur de décevoir ceux qui avaient soutenu ces deux délicieux premiers albums ('Nécessité Microscopique' en 2007 et 'Safety First' en 2009), comme le journaliste Bernard Lenoir (France Inter). Alors, comme le précise son titre métaphysique, digne d'une citation de Thom Yorke, elle a dû « remplir le blanc avec son propre vide ». Concept.

Débrancher son cerveau

 Zoom
Et paradoxal. Car dès la première écoute, ce vide inaugural sonne comme une manne foisonnante de musique. Au-delà de tout carcan, le Prince Miiaou offre un post-rock orchestral et lyrique, nourri de cordes tourbillonnantes, de chœurs, de guitares acérées, bruits, cris, respirations... Ça tourbillonne, ça crache sa rage et ça murmure la douceur, une caresse fragile, entre fêlure et blessure, sur magma sonore et mouvements flamboyants. Par-delà le néant, la dame tend au symphonique, aux montagnes russes, pour livrer à cœur ouvert, ces chants qui la hantent. Dès l'adolescence, après avoir aiguisé ses armes dans le groupe hard-rock de son frère, Maud-Elisa s'enferme des jours durant pour composer des morceaux à la souris, hermétique à toute sollicitation extérieure : « C'est un peu comme si j'avais un baladeur sur les oreilles, et que je retranscrivais la bande, étapes par étapes, pistes par pistes : d'abord la guitare, puis la batterie, la basse, les cordes... Les instruments s'appellent, se répondent. Comme je ne connais rien à la musique, je tâtonne, je cherche les sons, je chante les mélodies de peur qu'elles ne m'échappent. Je vois la composition comme un jeu vidéo : quand j'entame un morceau, il faut que j'aille au bout de la partie. Alors, parfois, les niveaux sont un peu durs à passer... » Ce qui nourrit ses envols ? Les émotions : un jour de pluie, une déception, et ses obsessions, sa constante analyse et surinterprétation épuisante, qu'elle raconte dans 'Turn me off' (« Eteins-moi »), une chanson pour débrancher son cerveau et faire taire la cacophonie des voix qui l'entravent.

Au bout de ses envies

 Zoom
Dans ce trop plein, se retrouve alors le vide. Vide d'influences, d'abord. Là où certains artistes égrènent la litanie des saints du rock, Le Prince Miiaou, incapable de distinguer Robert Smithet Robert Wyatt de son propre aveu, en cite trois-quatre :RadioheadPJ HarveyFlorence and The Machine, Bon Iver... De quoi laisser toute latitude à cette autodidacte, coupée du monde dans sa campagne charentaise, pour forger sa propre griffe, inédite dans le paysage hexagonal ! Ce vide se niche ensuite dans ce frottement subtil entre force et fragilité : force d'aller jusqu'au bout de ses envies, de mener sa barque seule, de la conception de ses pochettes à la réalisation de ses clips. Une volonté inébranlable, adossée à cette extrême fragilité, qui s'exprime dans sa peur-panique de monter sur scène, ses crises de larmes et ses doutes permanents... Voici alors ce qui fait la beauté de ce disque : l'absence de tout formatage, le courage de sublimer ses failles, de les peindre en relief, de les apprivoiser... Un vide, un plein, un creux, une bosse, un jeu vidéo, une recharge d'énergie, une étape réussie !



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