samedi 14 mai 2011

ORCHESTRE POLY-RYTHMO DE COTONOU


Plus de 40 ans après ses débuts, le Tout Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou, fleuron musical des nuits chaudes du Bénin dans les70's, renaît de ses cendres grâce à l'énergie d'une jeune journaliste. Une tournée internationale – leur première sortie hors d'Afrique – et un disque au groove imparable, Cotonou Club, saluent leur grand retour. Au menu : une potion électrisante de funk, soul, afro-beat, relevée d'un zest de salsa. Triomphal !

Il était une fois... dans les 70's, au Bénin, un orchestre flamboyant qui, sur cette petite langue de terre chargée d'esprits, électrisait le pays de sonorités funk, soul, afrobeat, salsa, le tout sous influences vaudou. Parce qu'il faisait feu de toute musique, le groupe mixait l'Occident, tant James Brown que Johnny HallydayDalida que Nana Mouskouri, dans le rouleau compresseur de leur groove « tout puissant ». Cette ingestion parfaite des rythmes du globe imposa leur nom : Poly-Rythmo ! Avec ses 11 membres, le Tout Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou symbolisa à lui seul l'histoire du pays. Né avec l'enthousiasme de l'Indépendance, il fut assimilé à un Orchestre Révolutionnaire durant le régime communiste de Mathieu Kérékou. Il chantait la vie quotidienne, l'amour, les mauvais sorts... Dans toute l'Afrique, leurs rythmes résonnaient, se frottaient aux armes sensibles de Miriam MakebaFela KutiManu Dibango, galvanisaient les nuits chaudes de Cotonou. Et pourtant... Bien des années plus tard, si l'on connaît à la perfection des formations telles Bembeya Jazz (Guinée) ou Orchestra Baobab (Sénégal), Poly-Rythmo semble injustement avoir sombré dans l'oubli. Une poignée de rééditions (Soundway, Analog Africa...) dans les années 2000 rappellent, seules, leur épopée, au gré d'un échantillon trop frugal de leurs quelques 500 chansons... L'orchestre aurait-il définitivement disparu ? Comme tout conte de fée, l'histoire nécessite une fin heureuse !

« Tu seras notre imprésario »

Paris, 2007 – dans les rayons dodus de la discothèque de Radio France, Élodie Maillot, journaliste et productrice, pioche au hasard un vinyle : l'une de ces fameuses rééditions ! Avec ce groove chevillé au corps, elle part au Bénin. Dans ses bagages, une unique obsession : retrouver la trace de l'orchestre mythique ! Mais dans les rues de Cotonou, les cabarets se comptent désormais sur les doigts d'une main et accueillent le live avec parcimonie. Si le nom du Poly-Rythmo reste gravé dans chaque mémoire, en revanche, pas l'ombre d'une seule corde de guitare ne permet de remonter le fil ! Ultime tentative : la fête de l'Indépendance, à quelques kilomètres de Cotonou, à Abomey. Après quelques heures de fanfares militaires, victoire ! L'orchestre monte sur scène ! Parmi la formation d'origine, trois sont morts. Les autres ont repris une vie civile, mais ces vieux amis sexagénaires se retrouvent pour jouer lors de commémorations... Rendez-vous pris le lendemain pour une interview : « Une succession d'embûches a failli faire tomber l'événement à l'eau. Mais j'ai à nouveau retrouvé leur trace, et lorsque je suis arrivée, les membres avaient oublié l'interview, l'un d'eux était carrément en slip », s'amuse aujourd'hui Elodie Maillot. Rien, pourtant, ne résiste à une journaliste tenace, et lorsqu'ils parlent de monnayer l'interview, elle refuse catégoriquement. Qu'à cela ne tienne : « Tu seras donc notre imprésario, et tu nous emmèneras en tournée hors d'Afrique ! » Aujourd'hui encore, la journaliste se demande ce qui l'a follement poussée à accepter ce défi ! Fin du premier round...

Les Franz Ferdinand en sont fans

 Zoom
Et le destin s'en mêle ! Deux ans plus tard, à l'issue d'un article dans le magazine Vibrations, la Villette s'engage à faire jouer l'Orchestre. Avant le monde, la formation doit pourtant se rôder chez elle, au Bénin. Le premier concert a lieu à Ouidah, haut lieu de l'esclavage, l'équivalent de Gorée, au Sénégal. Malgré des conditions techniques et climatiques désastreuses, les 11 membres de l'Orchestre regardent le large. Bingo ! Les tournées successives les mèneront partout : de nombreux pays Africains à l'Europe entière, du Brésil au Canada et, au passage, une date française avec les rockeurs écossais deFranz Ferdinand, leurs premiers fans ! Partout, ils embrasent les foules. « Si l'adrénaline d'un concert à New York ou l'émotion du Brésil te rechargent à bloc... l'aventure ne s'est pas faite sans galère », raconte Élodie Maillot. Difficultés de passeports, d'instruments, de visas... Des difficultés que la jeune femme résume, entre farce et drame, sur son statut facebook : « C'était un peu risqué de promouvoir le Poly-Rythmo à travers le monde... En Afrique, on a essuyé un coup d'Etat, une crevaison de pneu sur une route volcanique de l'Ile de la Réunion, l'incendie d'un train à Montpellier, la crise de la Malaria, le volcan islandais... et finalement un tremblement de terre, un tsunami et une menace nucléaire... » (Elodie était seule au Japon, ndlr). Mais toujours, le vaudou, bienveillant, suscite d'heureux dénouements.

Rêve d'un club à Cotonou

À chaque date, pourtant, manquait le sésame : un disque ! Pour son groupe, Élodie organise donc deux semaines de résidences dans le Loiret. Au milieu des champs, l'Orchestre déguste du vin, découvre la combinaison Nutella/fromage blanc/vieille prune au petit déjeuner, et prépare le disque du retour : reprises retravaillées, nouvelles compos, sous l'aura du funk. Au fil de plusieurs sessions, le groupe enregistre dans un studio analogique à Paris, pour garder l'esprit vintage conjugué à un son parfait. Et le voici, ce bel objet : un disque puissant, anobli des featurings de Fatoumata Diawara, Angélique Kidjo et Franz Ferdinand, doté d'un somptueux habillage sonore, un disque à faire chalouper des hanches all night long, un album qui s'écoute très très fort ! Pour l'occasion, Élodie a même fondé un label : Sound'Ailleurs. Quant au nom de l'album, 'Cotonou Club', il convoque un rêve partagé : « À terme, le but serait de monter un club à Cotonou. Il permettrait de jouer à la maison, de former des jeunes, mais aussi d'honorer les disparus, tous ces Béninois qui ont forgé des musiques magnifiques. C'est ça, le développement durable : garder dans le pays des trésors – affiches, disques, pochettes – trop souvent pillés par des collectionneurs occidentaux... » L'histoire continue !





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