La même semaine, Johnny Hallyday et Britney Spears sortent leur nouvel album. Celui de la résurrection. Occasion d'oser un parallèle entre ces deux freaks de la musique qui ont quasiment tout vécu : le coma, la drogue, le harcèlement médiatique, la déchéance... Et de mettre leurs albums au banc d'essai.
Comparer
Hallyday et
Britney ? Et pourquoi pas
Justin Bieber et
Charles Aznavour ? Parce qu'entre l'ancienne bébé Disney et l'ex-icône des Yéyés, il y a bien plus de points communs qu'il n'y paraît. À cinquante ans près, ils ont eu chaud au derrière, rattrapés par la flamme de leurs excès. Qu'inspirent-ils aujourd'hui ? Si c'est du respect, sans doute est-ce moins pour leur musique, leur esthétique kitsch, que pour leur statut de guerriers revenus des enfers. Lundi 28 mars, Johnny a donc sorti
'Jamais seul', réalisé par
Matthieu Chédid. Le lendemain, Britney revient en
'Femme Fatale' (dont le titre n'a certainement aucun lien avec la chanson du
Velvet Underground &
Nico). Des disques de bon niveau ? Les exégètes s'accordent pour dire que Johnny n'a plus rien fait de musicalement signifiant depuis les années 70 (« Johnny est-il encore rock ? » demande le Rock & Folk d'avril 2011). De son côté, après ses débuts dans la pop bubblegum, Britney s'était engagée dans un virage diablement excitant : elle aura désormais un mal fou à se hisser au niveau des sommets de productions pop que furent
'In the Zone' (2003) et
'Blackout' (2007), soit l'album d'avant la chute, et celui conçu au cœur de son cyclone.
Guérisons
Leurs deux nouvelles fournées partagent cependant une atmosphère frappante d'urgence. Chez Spears, au risque de passer pour de la dance de camping, tout va plus vite, plus fort, plus haut. Comme si à chaque chanson, la fin était proche. La Britney écolière a grandi, c'est maintenant une chanteuse qui vit dans un monde difforme et désincarné, où les voix sont distordues (vive l'informatique !). Mais c'est aussi une jeune femme qui continue à parler d'amour après un mariage express sous substances à Las Vegas et un divorce houleux. Une mère de famille qui continue à se comporter en strip-teaseuse peu farouche à cause d'un trop plein de cocktails. Une star qui aurait pu tout perdre et a su utiliser son retour de flamme pour revenir sur le devant de la scène : le mieux, c'est de ne pas cacher ses blessures et de montrer que l'on peut en guérir.
Pas si monstre
Johnny qui fêtera ses 68 ans en juin en sait quelque chose. Après ses ennuis de 2010, il lui faut montrer à nouveau qu'il est sinon indestructible, du moins un dur, un vrai. Dans 'Jamais seul', il revient donc à ses fondamentaux virils, ne craignant pas d'enchaîner les poncifs : c'est un lonesome cowboy bien entouré, qui connaît son blues comme on connaît son catéchisme (c'est-à-dire, parfois pas très bien). Pour 'Jamais seul', Johnny s'est fait écrire « Vous n'aurez pas ma peau », titre qui montre de quel bois il se chauffe dans sa maison suisse. Il s'y félicite d'avoir vaincu la Grande Faucheuse et le destin: « Tu me croiras jamais, je reste debout quand les autres tombent ». Crucifix tatoué sur sa poitrine et sur son disque, il lâche le mot « résurrection ». Dans une ambiance lunaire de désert mojave, il chante avec les loups (la chanson titre), tutoie plusieurs figures divines (un « Paul & Mick » au texte ridicule, « Guitar Hero » dédié « à mon ami J. Hendrix », qu'il n'aurait apparemment pas aussi bien connu) et convoque quelques tam-tams guerriers.
Mais à l'instar de Britney, il faut que le monstre s'humanise. Elle chantait pour ses enfants dans son avant-dernier disque. Johnny entonne une ode à Laëtitia (« Elle a mis de l'eau ») - c'est la première fois - et à ses petites filles (« Jade Dort »), ce dont il nous avait habitué depuis son couplet sur Laura. Le problème avec l'enfer, c'est qu'à sa sortie, on a souvent le cœur en guimauve. Pis, il arrive que l'on développe un certain goût pour l'hédonisme. Limite gourou d'une thalasso, à demander d'inspirer bien fort, parce qu'au fond, dans la vie, c'est la vie qui compte.
Carpe Diem pop
Johnny est passé à deux doigts du trépas. Les deux artistes se sont perdus dans les méandres chimiques, coincés un temps dans les limbes de la célébrité. « Ma carrière s'arrêtera le jour de ma mort », annonce Johnny dans un entretien face aux lecteurs du 'Parisien'. Pour Next, dans des poses messianiques photographiées par Mondino, il déclare catégorique: « Si je vis, je veux vivre, des choses qui me plaisent ». Coïncidence troublante, le nouvel album de Britney s'ouvre aussi sur un Carpe Diem pop : « Continuons à danser jusqu'à la fin du monde ». Là s'arrête le rapprochement entre nos deux icônes. Hallyday reste Johnny. Il n'est pas de ces rocs dont sont bâties les églises et ne peut appréhender son drame personnel de façon métaphysique. « Il y a des gens qui croient à la résurrection, à un 'après'. Moi je n'y crois pas », confie-t-il encore à 'Next'. De son côté, Britney remercie Dieu dans le livret de son album. Elle y fait d'ailleurs quasiment du chamanisme, entre deux lignes de basses et de synthés. Avant de minauder : « J'ai neuf vies, comme un petit chaton. » Soit encore un peu de temps pour refaire l'album qui tue vraiment…
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