À 95 ans, Henri Dutilleux est un des grands artistes de la musique française contemporaine, un des rares Prix Ernst von Siemens (après Olivier Messiaen et Pierre Boulez). Mardi soir prochain, 5 avril, à l'Hôtel de Lauzun (Paris 4e), superbe bâtisse du XVIIème siècle jadis habitée par Baudelaire, un hommage lui sera rendu par le pianiste Cédric Tiberghien et le bassoniste Pascal Gallois. Ce dernier évoque pour nous le plus poétique des compositeurs.
Baudelaire et les poètes ont-ils eu une influence sur Henri Dutilleux ?
Pascal Gallois : Henri Dutilleux a reçu de multiples influences, comme la peinture. Il est très proche des impressionnistes. Il ne fait pas partie des compositeurs qui se sont rassemblés dans une école ou une chapelle comme le groupe des Six ou le mouvement sériel autour de Pierre Boulez. Il est un peu seul et il est heureux comme ça. C'est ce qui le rapproche des poètes et particulièrement de Baudelaire.
Pourquoi est-il relativement peu connu du grand public ?
Son action a été importante, de 1944 à 1963, parce qu'il était directeur de programmation à la Radiodiffusion française. Les Américains ont été les premiers à le découvrir dès les années 50. Les grands orchestres lui ont passé commandes, les Anglais, les Japonais lui vouent un respect immense. Il est regrettable qu'en France on ne le sache pas. Cela ne vient pas de lui, mais des médias français qui ne s'intéressent guère aux musiciens. Mais il ne souffre pas de ne pas être aux premières loges. Il ne s'est jamais mis en avant.
Il s'inscrit dans la tradition musicale française et c'est aussi un avant-gardiste. Comment le définiriez-vous ?
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Dans ce programme vous vous êtes particulièrement intéressé à la voix…
En 1943, Henri Dutilleux a écrit un morceau pour piano et basson, un instrument qui l'a marqué par son aspect vocal. C'est le plus vocal des instruments à vent. L'anche double résonne dans la bouche, comme les cordes vocales. La respiration est proche du chant. Ces particularités, combinées à la grande tessiture du basson (avec trois octaves et demi il balaye le spectre des voix masculines et féminines), l'ont intéressé et je lui ai proposé d'adapter ses deux sonnets de Jean Cassou (1954). Il m'a également proposé 'Regards sur l'infini', sur un poème de la comtesse de Noailles. Ces poèmes seront d'abord lus par le comédien Alain Gintzburger. Avec Cédric Tiberghien nous en ferons ensuite la première version pour basson et piano. C'est intéressant parce qu'une adaptation avec un compositeur de son vivant devient une oeuvre originale.
Vous allez également interpréter trois pièces qui ne sont pas de lui…
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Henri Dutilleux compose t-il en ce moment ?
Il ne s'en est pas confié auprès de moi. Avec lui les choses prennent beaucoup de temps. Il n'a pas encore écrit son opéra ! C'est un coureur de fonds. Ce qui est touchant c'est qu'il ne s'est jamais senti comme un compositeur professionnel qui doit faire une carrière. C'est quelqu'un qui aime prendre le temps de la discussion, de la découverte, de la rencontre, notamment avec un interprète. C'est un poète dans sa vie.
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